L’affaire Borrel devant la CIJ Commentary
L’affaire Borrel devant la CIJ

Bernard Nicholas [journaliste, auteur de deux documentaires d'enquête sur l'affaire Borrel]: "Cette audience [la semaine derriere] devant la C.I.J de La Haye est en effet un épisode important de cette affaire.

La République de Djibouti appuie sa demande sur un accord de coopération judiciaire passé avec la France, dès 1977 année de l'indépendance de Djibouti(ancienne colonie française).

Selon Djibouti, la France doit transmettre le dossier judiciaire concernant l'assassinat du juge Borrel à la justice djiboutienne dans le cadre de cette coopération.

Or plusieurs problèmes se posent.

  • Cette demande du dossier a été formulée par le Procureur Général de Djibouti, M.Djama Souleiman Ali. Ce magistrat est impliqué dans une affaire de subornation de témoin dans la cadre de l'affaire Borrel. Visé par un mandat d'arrêt international, il est renvoyé devant le Tribunal correctionnel de Versailles le 13 Mars prochain à l'issue d'une instruction qui a démontré que ce magistrat ainsi que le chef des services secrets de Djibouti, Hassan Saïd, ont exercé des pressions sur des témoins djiboutiens du dossier criminel, réfugiés en Belgique. Ce procès du 13 Mars fait peur au plus haut niveau de l'Etat djiboutien, car les deux personnes visées sont des proches du Président djiboutien. Et les pressions continuent sur ces témoins: une partie de la famille de Mohamed Saleh Aloumekhani a été expulsée de Djibouti vers le Yémen(8 personnes, sans leur passeport)voici 3 mois déjà, afin que M.Aloumekhani, témoin essentiel dans le dossier criminel, revienne sur son témoignage. Ce qu'il refuse de faire depuis 2000.
  • Il apparaît en outre dans des documents émanant des Ministères français des Affaires étrangères et de la Justice, que c'est la France, par l'intermédiaire de Jacques Chirac lui-même qui en 2004, qui a suggéré à Djibouti d'attaquer la France devant la Cour Internationale de Justice de la Haye. Or cette cour ne règle que des litiges entre états.

    Y-a-t il litige quand les deux états s'entendent au préalable?

  • L'instruction judiciaire de l'affaire Borrel se poursuit en France, par Mme Sophie Clément. Il est inconcevable pour cette magistrate qui travaille sur ce dossier depuis 2002 de transmettre une copie de ce dossier à Djibouti. Ce dossier comporte un certain nombre de documents provenant des services secrets français et des noms d'agents français apparaissent, ce qui pourrait les mettre en danger. Ensuite, les noms des personnes visées par l'enquête française apparaissent aussi dans ce dossier; et ce sont le plus souvent des djiboutiens, proches d'Ismaïl Omar Guelleh, le Président de la République de Djibouti.

    Si le dossier est transmis à Djibouti, ces personnes pourraient être jugées très vite, et il serait impossible pour la justice française de poursuivre son travail, selon la règle du "Non bis in idem" qui interdit de juger deux fois la même personne sur des faits identiques dans une même affaire.

  • Aujourd'hui, les représentants de la France devant la C.I.J de la Haye ont plaidé contre la transmission du dossier à Djibouti. Nicolas Sarkozy soutient Mme Borrel dans son combat pour la vérité, ce que n'avait jamais fait (c'était le contraire) Jacques Chirac durant ses mandats."

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